The Perfume Chronicles

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Serin - January Scent Project

Serin - January Scent Project

Serin

par John Biebel

pour January Scent Project


Ce ne sera pas la première fois qu’une création de John Biebel nous aura subjugué. Après Smolderose, réaliste bijou olfactif mettant en regard la brillance d’un rouge à lèvres et celle d’une bûche calcinée, John Biebel livre avec Serin une création toute en contrastes qui décontenance sans déséquilibrer mais qui au contraire recentre et relaxe, un rayon de soleil traversant le corps de la tête jusques aux pieds.

 

Serin décontenance par une ouverture amère dégainée comme un sabre, une ouverture amère aux accents de myrrhe un peu camphrée. Cette aura, celle des soucis que l’on arrache dans le jardin de sa mère convoque par sa verdeur presque velue l’image de temples perdus dans la jungle et l’imaginaire rituel qu’on y adosse. Médecines de fleurs séchées et aigres décoctions que l’on boit jusqu’au marc pour atteindre la transe des chamans, voilà Serin.

 

Il décontenance en ce qu’il étonne et façonne la persévérance. Il décontenance car il ne s’attend pas à ce qu’on l’aime. Il décontenance par une forme de vérité tranchante, comme toutes les vérités, sincérité frappante ; par cette « amertume amère qui rend à la vie ».

 

Mais enfin Serin se dévoile dès lors qu’on l’accepte et sitôt les premières heures passées, comme dans les ruines de ces temples silencieuses, il s’éveille et vient à notre rencontre. L’amertume s’efface et laisse place à la lumineuse fumée de l’encens, le soleil perce l’épaisse ramure de la jungle et dévoile sur les parois des murs les visages, les messages, les couleurs, les détails – la vie.

C’est un cœur gonflé d’héliotrope adjoint au crémeux du bois de gaïac qui s’exprime alors à la manière d’un talisman qui se dévoile conférant à celui qui le garde une aura de protection. Il y a dans Serin ce mouvement de l’ascète qui patiente et endure et renonce avant de goûter aux délices indescriptibles d’une vie libérée. C’est comme si chaque note de tête se défaisait de sa cosse pour en dévoiler la pulpe, comme si une à une ces matières se révélaient au porteur dans ce qu’elles ont de plus noble.

 

Comme si les terribles dieux de l’Orient et de l’Occident, après avoir jaugé du cœur bon du fidèle et testé sa patience, lui faisaient vivre des arrhes de la vie immortelle. Car oui, Serin d’heure en heure se réchauffe jusqu’à laisser sur la peau un semblant de guerlinade, cette même trace de rouge que l’on trouve chez Smolderose, une addictive onction de soleil.

 

Serin prouve encore les talents de John Biebel pour cartographier la psyché humaine en donnant à sentir ce balancier entre ombre et lumière, entre ascèse et béatitude, entre angoisse et bonheur.

 

L’âme gonflée d’anticipation je marche et devance l’heure du soir quand les volées de hérons et de grives s’évadent pour dormir. L’âme fébrile j’avance et j’enjambe le fleuve encombré de ses sables, grèves rouges et blanches et cendrées que n’accostent plus les navires. L’âme ténébreuse, des ténèbres silencieuses précédant la paix comme la nuit le jour, j’avance et traverse le pont de vieilles pierres – je le traverse et du haut de son parapet, j’aperçois dans l’onde mon reflet qui se ride. Je l’aperçois troublé par la pluie qui pleut, je l’aperçois s’effacer dans les galets à la griseur du soir, d’un crépuscule sans couleurs.

 

L’âme en flammes je m’écrie en silence, la voix happée par cette seconde si lente où ma vie semble s’être entièrement évidée et tandis que mes yeux se ferment je me sens brûler une lueur nouvelle au cœur, saisissant mes mollets, caressant mon dos et terrassant mes peurs.

 

Dans la tristesse du jour couchant je me découvre un soleil nouveau, une force inconnue m’attrape et m’apaise, elle m’appelle par mon nom ; un rayon me transperce et me rend à la vie. Non, les collines ne s’évaderont pas. Non, les oiseaux ne se tairont pas. Non, les étoiles ne s’effondreront pas, non le soleil ne s’affaissera pas. Non les couleurs ne faneront pas, ni les fleurs, non la vie ne s’arrête pas là. Pas au lieu de la peur. Pas au lieu de la solitude. Pas au lieu de l’angoisse – non, la vie ne s’arrête pas là, ni les ruisseaux leur cours, ni les sphères leur ballet.

 Elle est vie. Elle survit. Et je vivrai aussi.

 

Larmes de sel et larmes de miel, c’est un nouveau lever de soleil flamboyant les eaux, embrasant les ramures, distillant la rosée ; un jour nouveau se lève, une aube qui n’en finira jamais. Je sens sa chaleur au-dedans de mes os, je sens son baiser sur la gerçure de mes lèvres, glacées ; une colonne de nuée emportant tout sur son passage, recouvrant le monde comme d’une chape, de cristal.

 

Flamme de feu.

Je suis un phénix.

 

Et je sens grandir en moi la vibration des nuages et le silence des ondées. Je sens qui résonne Saturne dans mes doigts et la noire clarté qui sépare la vie de l’inhabité. Je sens l’or des feuilles qui tombent en une danse d’automne, dans mes sourcils je sens battre la sève qui court vers les cimes et sur mon cœur je sens l’aile de l’aigle qui observe les neiges endormir les stupas.

 

Je suis un phénix.

Mort, tu ne m’auras pas.

 

Je trébuche en moi-même, c’est une mine sans fin ; sans fin de trésors, sans fin de joyaux, sans fin de sommets d’où point l’indicible éclat de ce nouveau soleil – sans fin.

 

Mort, où est ta victoire ?

Il se creuse en mon cœur une cathédrale d’espérance.

 Je suis serein.

Je suis Serin.


“Tout ce qui brille n’est pas d’or

Des cendres, un feu s’éveillera

Et des ténèbres jaillira la lumière”


Serin - January Scent Project

EdP 30ml/100ml - 145 dollars

Disponible en ligne sur leur site : www.januaryscent.com