Clouds' Illusion - 4160 Tuesdays

Clouds’ Illusion




by Sarah McCartney and Christi Long

for 4160 Tuesdays


J’ai rêvé d’un jour te voir après le soleil et la lune. De regarder ton visage et goûter ton sourire à l’ombre des orangers, à l’orée des bois fleuris d’avant l’été ; de te voir après les éléments et la nature, de te voir en lumière, en toute lumière ; de te voir tel que je t’aime, tel que tu as été.

 

J’ai rêvé d’un jour te voir à jamais, d’avoir sur ma rétine imprimé ton image. J’ai rêvé de te sentir sans cesse contre ma peau, de m’abriter du vent au creux de ton bien. J’ai rêvé de veiller contre toi les heures terribles de la mort et l’anéantissement du temps. J’ai rêvé de te garder même après le temps.

 

J’ai rêvé oui, de bien des choses en somme. Des blés qui s’agitent avant l’orage, du ciel de pluie que l’on goûte en ses saveurs, des embruns salins qui s’évadent de l’océan, de cette nature fébrile et grandiose, sauvage et docile – d’être seul en elle et nu en toi.

 

Je rêve de ces choses, moi. Je rêve de ta voix éclatant comme le tonnerre, je rêve de tes yeux profonds comme le Baïkal, je rêve de tes cheveux qui se déploient –canopée- sur ma savane stérile et sur mes flancs meurtris.

 

J’ai rêve et rêvé de toi.

 

Car je suis seul sans toi. Il est de moi comme d’un matin d’hiver, c’est un suaire qui désormais m’embrasse, une brume épaisse en plein jour qui ne laisse en moi qu’un gris silence.  Il est lourd mais il est froid et derrière lui j’aperçois l’hiver, c’est ton reflet que j’aperçois, ta silhouette qui s’éloigne et se tord comme un mirage de froid.

 

Mes mémoires comme d’un flocon cristallisant en lui l’immensité de l’existence et ses infinis possibles – avant de fondre.

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J’ai rêvé d’un jour te voir quand tout ne serait – plus. Quand tout n’irait plus qu’à sa fin. J’ai rêvé d’un jour te voir après le jour, après le temps, avant le temps. J’ai rêvé d’unicité avec toi j’ai rêvé d’union avec toi d’unité.

 

Les pluies battent l’horizon flavescent. Il sourd du sol une chaleur endormie, s’en élève un parfum de foin sec et le mistral soulève entre ses lèvres une poussière de sous-bois.

 

Je suis seul sans toi. Ni un ni bien, je suis seul sans toi.

 

Les collines s’abaissent et l’orage dessine ses ombres comme des sommets. Les ors estivaux ternissent et grisâtrent.

 

Je t’ai vu partir. Je t’ai senti dedans moi. Comme d’une seule âme nous étions reforgés.

 

Forêts, décidez-vous. Bosquets et orées de bois, réveillez-vous. Les plaines s’avancent et les dunes avec elles et les grêles et l’ondée de cieux.

 

Mes yeux se ferment et je te vois encore comme au premier jour. Je te regarde encore comme la première fois. Le soleil contre ton nez opposait ses rayons – je ne voyais sa lueur qu’à travers toi.

 

L’heure vient du drame célestiel, le tonnerre approche ses foudres de moi. Il fait lourd et il fait chaud.

J’ai laissé fleurir une fleur, je dois la laisser faner. J’ai couvert un bourgeon que je dois assécher. On a saisi mon amour, on l’a saisi au loin. En ces lieux je n’irai point, au lieu de son repos.

 

Je vois les cieux grands ouverts, un œil béant qui se creuse au plus profond des nuées noires.

 

J’aimerais n’entendre ma voix qu’en murmures. Elle est ma joie et je n’ai plus de joie. Par son nom je l’appelle et elle ne répond pas. Du soir au matin je l’appelle, dans mes songes, dans mes larmes. Je l’appelle dans mes rires, dans mes rires en souvenir.

 

Il s’enroule sur lui-même, il ouvre le ciel dans la tempête et le silence dans l’ouragan.

 

Mes yeux s’ouvrent et je te vois encore comme au dernier jour. Je vois ton front dans les lauriers, je vois tes pieds contre le grès, je vois tes mains contre les miennes. Je vois ton ombre contre le jour et ta présence entre les gens. Tu es couleur, tu es chaleur, m’entends-tu, tu es vie. Tu étais vie, vivant tu étais ma vie.

 

Il n’en coule pas de pluie mais en vient un blizzard doux comme l’aiguail, une fraîcheur craquante comme l’automne.

 

Où irai-je –je t’attendais- maintenant que tu es loin ?

 Et je te vois sur les nuées, tu resplendis à l’éclat du cor. Mon temps s’écrase autour de moi, l’orage s’effondre sur le monde et tu es là. Et je te vois de mes yeux éveillés, comme en rêve, et mon cœur brûle de l’été, de ses pierres chaudes et gorges fraîches. Et je te vois comme en plein jour, et je te vois comme avant moi, et je te vois comme après moi. Et je te vois comme toujours. Comme si tu étais là.

 

Tu iras sur ton chemin, sur la voie qui t’est tracée. Sans moi tu avanceras, tu avanceras comme avant moi. Vis bien et vis heureux de cette vie heureuse que nous avions. Tu cultiveras les fleurs dans ce jardin que j’ai connu. A nouveau fleurira ton cœur comme les champs durant l’été. Là où je vais tu ne peux me rejoindre – qu’en prière. Mais moi je suis avec toi pour éternellement. Mais moi je te tiens chaque jour contre moi. Mais moi je t’appelle et tu ne réponds pas. Mais moi je t’embrasse et tu ne me le rends pas. Je te touche et tu ne le sens pas.

 

Je ne t’ai pas vu partir. Je n’ai pu que te laisser. L’hiver t’a appelé comme la vague le marin – qui suis-je donc qu’une veuve de marin ? Ton image s’efface, ton visage que j’aimai. Je te vois qui te retire au plus haut des nuages et le Paradis te happe – comme la vague le marin.

 

Mais moi je resterai quand toi tu t’en iras. Mais moi je t’attendrai quand tu me rejoindrais. Mais moi je t’aimerai lorsque tu m’oublieras. On m’a saisi la vie, je ne vivrai que de toi.




Laisse-moi me souvenir avant de devoir partir, laisse-moi te rappeler ce matin de dimanche. Laisse-moi évoquer avant qu’elle ne s’étiole la mélodie jouée, dans la rue, au saxophone. Laisse-moi recueillir comme fut un temps mes larmes, le souvenir de ton odeur et de ta peau la saveur. Laisse-moi toucher, encore mouillés de toi, le coton de mes draps.

 

Je t’entends, berce-moi.

 

Laisse-moi tout te dire du soleil contre toi. Laisse-moi tout chanter de tes cils emmêlés. Du bleu de nos rideaux, des fenêtres brumeuses et des lavandes mauves fleurissant le balcon. De ta douceur lactée, des narcisses de nos mères, et de ce petit goût de sucre qui perlait dans ton dos. Laisse-moi détailler comme d’une rose ses pétales, les rides de tes doigts et dire combien j’aimais y mordre et dans toi. Laisse-moi comme une ode susurrer à tes lèvres ce parfum de citron, bergamote, citronnelle.

 

Et les restes cristallins du glaçage mentonnais.

Et ton parfum de lait, d’iris et de chocolat.

 

Je t’attends, va sans moi.

 

J’ai rêvé de te voir un jour après le temps. J’ai rêvé de te retrouver même après moi. Passeront les années, les sentiments, les saisons. Mais tu ne passeras jamais - tant que je sentirai contre moi ce parfum. Je sens et ne sens pas ce vide qui est en moi.

« Si quelque chose se passe mal, je veux que tu saches que je t’aime absolument. Je veux que tu vives bien, que tu prennes du bon temps, de même pour mes parents. Je te verrai quand tu me rejoindras. Je veux que tu saches que je t’aime, totalement » - Brian Sweeney à son épouse, le 11 Septembre 2001


Clouds’ Illusion - 4160 Tuesdays

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