That was longtemps
It Was A Time That Was A Time
par Nicolas Bonneville
pour Attache-Moi/ICONOfly
Notre nouvelle Critique portera sur une de nos dernières acquisitions qui se trouve n’être pas une nouveauté, je veux parler d’It Was A Time That Was A Time, parfum né d’une audacieuse collaboration entre Olivia Bransbourg –dont l’Entretien est consultable ici- et de Shezad Dawood, désormais sorti sous la marque Attache-Moi.
Audacieuse collaboration car ce parfum avait pour objet de mettre en odeur un film, de compléter la vue et l’ouïe par le sens le plus intime qui soit, le plus subtil sans doute : l’odorat. Notre expérience avec It Was a Time n’a pas débuté avec le film – pour tout dire, nous ne l’avons jamais vu- mais elle est au moins aussi singulière que ce parfum.
Ce parfum bleu. Ce bleu où l’on se perd, ce bleu d’un Baïkal d’hiver, ce bleu turquoise de la Mer de Marmara, ce bleu des cieux infinis, ce bleu des horizons que l’on perd ; ce bleu des afghanes et des yeux des aryennes ; le bleu paisible des scapulaires, le bleu glacé des eaux polaires ; ce bleu des champs de crocus et de lin, ce bleu du pavot ; ce bleu Klein ; ce bleu indicible, ce bleu pourpre de l’Égée, ce bleu doré de lapis ; ce bleu de cobalt et de vitraux encrassés ; le bleu de Chartres et de Giotto ; ce bleu de Sienne, ce bleu de Chine ; ce bleu des drapeaux austraux ; ce bleu byzantin, éméraldin, cristallin, céruléen.
Oui, It Was A Time rappelle un temps hors de tout temps. Évoquant l’indicible, il convoque des mémoires enfouies, des souvenirs cachés qu’il nous reste à vivre. Indescriptible, autant clair qu’abyssal ; à la fois marin et lourd comme les arbres baumiers, It Was A Time est la mise en bouteille d’un conte de fées ou plutôt de ces légendes d’Armide et d’Ulysse ; de ces héros ballottés par les vents et la vie, traversant leurs tempêtes et s’échouant hors de tout – de la vie, hors du monde, et du temps.
It Was A Time est une sphère d’ambregris doré. Il brille, il éclaire, il brûle les rétines comme un lever de Soleil vu du dessus de la Terre. Au milieu de la claire noirceur du silence interstellaire, au milieu de ce vide glacial qui se glisse dans les interstices de nos âmes, ce parfum se lève, il se niche – c’est une étoile brûlante, terrifiante, pénétrant tout de ses rayons ardents.
Collant à la peau, ce parfum colle aussi aux mémoires. Il vient à vous hanter. Sans doute il vous rappellera quelqu’un, quelque part car ce parfum vit, il respire, on sent son cœur battre sur notre cou ; son souffle sur nos poignets.
Aussitôt que nous l’avons senti, voilà des années, nous avons été dérouté, désarçonné. It Was A Time, plus qu’une époque est un amas de personnes, c’est la vision floue de tous ces visages qui s’effacent et se mêlent dans nos souvenirs pour n’en former plus qu’un. Sans forme, sans contours, ce parfum se fait fuyant comme ces gens qu’il ose rappeler à notre être.
Entêtant, envoûtant, au sillage époustouflant, It Was A Time appelle aussi vos larmes. Qui est-il l’être qui sentait ce parfum ? Quel était son nom et la courbe de son nez, et le son de sa voix ? Et pourquoi, pourquoi son visage se dissipe-t-il dans la brume de souvenirs refoulés ? Qui est cet ami que l’on ne reconnaît plus, qui est cet être cher qui s’éloigne irrémédiablement de nous, entraîné par l’abysse ?
It Was A Time ne porte pas la signature iodée de la mer mais il en porte la mélancolie. C’est une esthétique du naufrage, de la perte qui se dévide à nos yeux. Sa puissance n’est pas celle du courant qui aspire au loin l’être cher mais la flamme qui saisit notre cœur tandis qu’il disparaît. C’est le parfum de cette tension paroxystique de l’être en son corps et son cœur et son âme pour retenir le reste d’un amour voué à l’oubli.
C’est la main qui se tend au-dessus du précipice, c’est le déchirement de l’âme, le dernier sursaut du cœur.
Parfum d’une lutte, il l’est aussi d’une danse. Son envolée d’ambres minéraux, sa chaleur viscérale vous emportent : l’ivresse. En même temps qu’il rend sensible la mélancolie, il vous replonge dans l’euphorie des premières heures – de l’amour.
Assurément, It Was A Time aura pour vous l’odeur de quelqu’un que vous aviez connu et qui s’est évaporé. C’est l’odeur de l’intime, du partage, du secret, de ces rires échangés sous la couette, de ces courses dans la neige, de ces chants à tue-tête, la douce folie des amitiés naïves, des amours enfantines qui ne s’embarrassent d’aucun rien – c’est le parfum d’une époque, d’un « bon vieux temps ».
Le parfum de la parenthèse avec un amant.
It Was A Time saisit enfin l’odeur de ce calme habitant l’âme après la tempête. L’être est purifié de ses passions, de son passé. Le souvenir est effacé. Le parfum d’une vie accumulée, d’une vie vécue avec ses lourdeurs, ses blessures, ses boulets à traîner. Il est le parfum de la course et de sa fin douce-amère ; de Frodon alors qu’il s’apprête à traverser la mer ; d’un général victorieux devant le champ de guerre ; d’un ascète arrivé à l’été de ses jours.
Il est le parfum de toutes ces luttes silencieuses que l’on mène, de ces larmes que l’on verse et de leur amertume passée une fois l’épreuve surmontée. Le parfum de ces questions que l’on pose à la Lune et des réponses que la vie nous amène. Le parfum de ces tensions qui nous pèsent et du sommeil qui leur succède. Le parfum de cette seconde où l’on se sent couler comme en pleine mer, où l’on lâche prise, où l’esprit s’apaise.
It Was A Time est le parfum de ce bien-être que l’on a connu dans le sein de nos mères. De ce silence, de cette lumière, de ces sons voilés quand l’on nage la tête sous l’eau, de cette liberté d’être bercé par les courants froids et chauds.
Le parfum d’un temps,
Le parfum d’antan,
Le parfum du temps,
D’avant le temps.
It Was A Time That Was A Time - Attache-Moi / ICONOfly
EDP 50ml - 120€
Sentez-le à Paris, aux Pays Bas, à New York ou visitez leur site Web : www.parfumsattachemoi.com