Ottoman Empire II - Areej le Doré

Ottoman Empire II - Areej le Doré

Ottoman Empire II - Areej le Doré

Ottoman Empire II


par Russian Adam

pour Areej le Doré


Elle se lève, l’heure pastel, au son des flamants et des aulnes grinçants et des saules. Plumes d’ocres empanachés, nuages amoncelés au-dessus des vastes plaines humides de mousson – c’est l’heure orange, l’heure ambrée au pays des sultans joailliers.

 

Ottoman Empire II, fille jumelle de son illustre sœur déjà passée au rang d’un classique, sublime joyau taillé par Russian Adam, garde son caractère ardent quoique un peu adouci à la patine du temps.

 

C’est une ouverture romane qui prédomine – quantité de tons sur tons, de beige, de tuf, de crème et travertin qui rosissent aux premières lueurs du jour. Parfum en pudeur, parfum de douceur malgré la présence d’un oud animal soutenant, solide, la richesse d’un cœur floral tout en exubérance comme autant d’entrelacs normands grattés à la surface d’une pierre tendre.

 

Architecture et ancienneté, paix voilée d’un ciel qui se veut hors du temps, Ottoman Empire II est la mise en odeur de cette sensation indescriptible de celui qui au crépuscule s’enchâsse dans une abbatiale romane. Soudain, plus rien n’existe. Il n’est de poussière, il n’est de souffrance, il n’est de cœur qui batte encore en cet antichambre de l’Eden.

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Les puissantes colonnes s’embrasent des lueurs de l’aube quand c’est le soir qui apparaît et l’on ne perçoit à travers les vitraux que les traînées mauves, les dégradés de lavande et de cyan qui se déversent dans les cieux nocturnes.

 

Réminiscence d’un mausolée de marbre blanc serti au milieu de la jungle indienne, Ottoman Empire II est un hymne à l’amour apaisé, à l’amour conjugal que l’on noue avec or et diamants. Indescriptible joie d’un cœur floral où les roses en surdose opposent leur profil velouté à la grasse face de bouquets jasminés.

 

Quand passe l’ouverture et ses épices froides, quand passent les vives lueurs, les contrastes et les couleurs d’arc en ciel chatoyant avant la nuit, vient l’heure d’or où tout se confond. Psychédélique manteau poudré, la rose rouge embrasse la blanche et la blanche, la noire. L’évolution tuilée prend ici tout son sens : les matières se rencontrent avant de se mieux quitter et laissent sur chacune l’empreinte de l’autre.

 

Heure sublime où le nouveau devient ancien, Ottoman Empire II trouve ici, à cette minute fugace mais tenace, l’acmé de sa tension : tout est esquissé. Le fond de résines succulentes au sucre des dattiers, la sécheresse animale du oud et la blancheur crémeuse d’un soupçon de santal. Le reste d’épices, fantômes d’étoiles filantes traçant leurs sillons blancs dans une mer de cieux en feux. Et ces fleurs, ces fleurs opulentes, enivrantes, entêtantes, hypnotiques et vexantes – ce rêve à n’en pouvoir survivre, cet air empourpré à la folie de la fragrance gourmande des frangipaniers et des éclats écarlates de comètes safranées.

 

Avant qu’ils ne s’échappent.

 

Ce moment intime, celui de deux regards qui se croisent pour ne plus faire que s’aimer ; ce moment de deux cœurs qui unissent leurs arythmies ; ce moment de deux âmes enfin retrouvées – voilà Ottoman Empire II. Créé par amour, il respire l’amour apaisé, l’amour vécu, l’amour grandi, l’amour assagi après les premières fougues ; celui qui s’enracine profondément dans les tréfonds du cœur et que les tempêtes ne feront fléchir.

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Impressions de pastel et de rouge à lèvres, souvenirs des grandes heures de la parfumerie française, grandeur nouvellement acquise des chefs d’œuvres d’antan, Ottoman Empire II est la preuve d’une maestria indisputable.

Quand vient enfin la nuit…

 

Ses grèves d’indigo et ses nuages noirs et sa fraîcheur mouillée du soir. Les fleurs s’épanouissent et s’évanouissent, les épices clairsemées au souffle des autans – ne restent que les bois, ne restent que l’oud inébranlable et les résines antiques qui collent aux amphores.

 

Myrrhe, ambre, poussière et benjoin. La trace de rouge à lèvre vire à l’iris, c’est un beurre animal et suave qui s’étale sur la peau et la brunit comme terre des champs, comme feu de camp. L’après nuit de noces et les corps brûlants d’amour. Ode à l’intime, c’est un parfum qui, sans rien perdre de sa superbe, invite aux murmures laissés au creux du cou.

 

Il n’est pas sans mélancolie, cet Empire. Il s’éteint avec la bienveillance d’un baiser sur le front tel une bénédiction, un mémorial pour les fins à venir, pour ces heures à passer séparés l’un de l’autre avant de se rejoindre dans les demeures éternelles.

 

Taj Mahal et abbatiale, jus où l’intime de l’amour se vit à l’horizon eschatologique, où chaque seconde pourrait être la dernière, il rappelle la vivacité des moments passés, du temps écoulé, des années à vivre encore ensemble.

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Et de cet amour tenace qui dignifie le cœur de l’Homme.

Et de ces cœurs qui ne cessent pas d’aimer lors même qu’ils ont cessé…

 

De battre.

 


Un regard.

Je te vois.

Et je t’aime.