Rêve d'Ossian - Oriza L. Legrand

Rêve d’Ossian - Oriza L. Legrand

Rêve d’Ossian - Oriza L. Legrand

Rêve d’Ossian


par Hugo Lambert

pour Oriza L. Legrand

Ouvre les yeux.

 

Le soleil est revenu. Ses lourds rayons percent l’embrun, l’embrun qui fumerolle comme brume d’hiver. Le soleil est revenu sur les flots moutonneux, revenu sur la mer vineuse – il revient, mon trésor, et se pose sur la courbe de tes mains.

 

Le voici qui vient, le flambeau du monde, pour allumer le jour. D’un jaune mielleux, d’un jaune sirupeux ; le jaune des pollens qu’au printemps l’on attrape sur le blanc de nos mains.

 

C’est un or qu’on distille, ce rayon de soleil, une chaleur diffractée dans chaque goutte de mer, dans chaque cristal de sel ; c’est une flamme embrasant la crête des rouleaux et des vagues scélérates qui s’ébranlent en fracas contre les falaises ennuitées.

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Ouvre les yeux et ne crains pas, le soleil et son jour, le soleil est là. Il conquiert l’onde, peu à peu il se teinte de rouge et empourpre le ciel de nuages roses et la mer rondoyante s’émeut et s’effraie, elle s’efface et se tait. Voici le jour qui vient, mon trésor, illuminer ta face.

 

Ta face cuivrée, cette carte des deux mondes et tes yeux couleur d’ardoise trahissant ta magie. Ouvre-les, ces yeux uniques, ces yeux pudiques, ces yeux magiques où s’enferme mon éternité. Ouvre-les, témoins de nos amours, ouvre-les, reflets de nos blessures, ouvre-les comme tes lèvres, ouvre-les comme mes mains qui s’attachent en prière à l’orée du matin.

 

Ces yeux, ce rêve ; ouvre-les et prend ma main car le soleil s’en vient, car la tempête s’est échouée et les ténèbres retirées comme par un sort, toutes elles s’enfuient loin de ta face, loin de la mienne, loin de nos êtres l’un à l’autre lovés. Il sourd de la terre un tremblement et un cantique des forêts lointaines que cache l’aiguail.

 

Lichens, chardons et pins de l’océan ; terre et tourbe fraîches, térébinthes et peaux de faons ; roses, narcisses, racines de la nuit ; fumées, aiguilles, lumières d’encens ; est et ouest et neiges d’enfant. Ils résonnent l’hymne qui se lève depuis les galgals, le chant qui descend des collines silencieuses comme les premiers frimas de printemps. De la nature j’entends un cri, un battement du cœur des arbres.

 

Ouvre les yeux et vois, mon trésor, le monde qui t’honore, le monde qui s’accable. Ouvre les yeux mon trésor et vois la poudre du jour recouvrir, éclatante, la campagne qui dort encore. Elle rend à la vie ses couleurs, elle absorbe la rosée, chasse le givre ; la neige s’en va par le chemin qu’elle a choisi.

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Ouvre les yeux et vois l’horizon se peupler de clochers du Ponant jusqu’à l’Orient, les flèches d’albâtre et les flèches d’airain où bientôt sonneront les cloches de l’office et les chants des marins. Le silence de l’Écosse après sa colère et ses nuits hantées de chimères, de l’Écosse et de ses mythes, de l’Écosse et de ses héros chevauchant avant l’aube le col des aurores.

 

Les nymphes de l’eau, les esprits de l’océan, les dryades et les elfes, centaures et feux-follets, esprits bienheureux et farfadets ; sel et givre et tous les éléments, grêles, neiges, brumes et souffles de l’hiver – ils s’assemblent pour ton nom. Ouvre les yeux et vois.

 

Ouvre les yeux mon trésor et reviens-moi.

Reviens-moi d’entre les morts.

 

Il n’est sans toi que des ruines, squelettes de pierres et fossiles de forêts qu’encense une lumière ardente comme l’or – de tes cheveux. Il n’est sans toi qu’un vide et qu’un silence, qu’une lueur sans couleurs transperçant les frondaisons muettes des bois que nul n’habitera jamais.

 

Il n’est sans toi plus de cantiques dans la lande. Il n’est sans toi plus de sel dans la terre.

 

Lève-toi, mon trésor, lève-toi mon Ossian et rentre-t-en du royaume des morts.

Car il n’est sans toi plus de crainte ou plus de joie, plus de douleur ou plus de foi. Il n’est sans toi plus de saveur au monde. Ouvre-les yeux et vois et viens que cette dernière aube ne le soit pas.

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Et pose contre moi le doux sel de ta peau.

Et pose contre moi l’oliban de tes mots.

Et pose contre moi la giroflée de ton amour.

Et le baume de ton retour.

 

Oui pose contre moi la chaleur d’un élémi.

Et la lumière d’une vanille.

Et la candeur d’une hespéride.

A la lueur de tes iris.

 

La froide fumée qui s’échappe des bosquets mouillés.

La terre sèche des bruyères d’été.

L’encaustique des abbayes et des thuriféraires parfumés.

L’iode de la mer.

Le fer de la terre.

Le cinnamome de tes baisers.

 

Ouvre les yeux, le soleil est revenu.

Lève-toi, mon Ossian.

Sans toi je ne suis plus.

 


Rêve d’Ossian - Oriza L. Legrand

EdP 100ml - 130€

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